Galilée
Messe de rentrée à St-Porchaire
7 octobre 2010


Photos de la messe de rentrée

Homélie de Mgr Albert Rouet
(église St-Porchaire de Poitiers)

   Luc 1, 26-38

Il y a des textes que l'on connaît par coeur. Si on veut les découvrir, il est important de commencer par la fin parce que le propre d'un récit est d'arriver à un but, sinon il n'est pas écrit.

A la fin de ce texte, on trouve une comparaison, un signe, qui n'est pas une preuve, mais un signe. Un signe qui concerne la cousine Elisabeth. La vieille Elisabeth surnommée par ironie " la stérile ". Ironie honteuse. Or Elisabeth se situe dans la ligne des naissances inattendues. Abraham et Sarah pour Isaac, Manoah et sa femme pour Elgana et Anne pour Samuel et finalement Zacharie et Elisabeth pour Jean-Baptiste.


Au long de l'histoire de la Bible, à un moment imprévu, des femmes, d'un seul coup donnent la surprise en devenant mères et la vie repart, l'espérance revient. C'est en fonction de ce rappel, des naissances inattendues qu'il faut comprendre la première partie du message.

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En réalité, l'envoyé annonce un grand homme. Et ce grand homme recevra trois attributs : il devra réunir les douze tribus du père Jacob qui plus que divisées, elles s'ignoraient les unes les autres au temps de Jésus.
Ensuite, il sera le successeur de David : envers David, Dieu s'était engagé pour qu'un enfant de sa race soit toujours le roi d'Israël, sur son trône. Enfin, un règne éternel, un règne à jamais.
Ce dernier point plongera dans l'étonnement les disciples et les auditeurs, dans saint Jean, (8, 22) quand le Christ leur annoncera qu'il allait mourir. Comment l'envoyé promit à un règne sans fin peut-il affronter la mort ?

Cette première partie constitue une relecture de la totalité de l'Ancien Testament, de l'histoire de l'alliance. Ce à quoi Dieu s'était engagé va se produire mais c'est aussi le moment où Dieu ne réalise pas sa promesse comme prévu, matériellement.
Il y a pour la réalisation de ce magnifique projet, qu'un seul partenaire : Marie. Il n'y a pas d'homme. Pour Sarah, il y avait Abraham ; pour Anne, la Mère de Samuel, il y avait Elqana ; pour Elisabeth il a fallu Zacharie.

Là, il n'y a pas d'homme. Apparemment à vue humaine, la solution paraît extrêmement simple : Marie est fiancée, alors marie-toi ! Et le problème sera résolu. Excusez-moi ! Or ce n'est pas ce que répond le messager. Il va répondre en deux temps.

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Dans un premier temps, il relit une fois de plus, mais à un autre niveau, l'histoire de l'alliance, en rappelant trois évènements. D'abord l'Esprit viendra sur toi. L'Esprit est venu sur la création ; l'Esprit est venu sur le peuple pour le constituer peuple de Dieu, et le prophète Joël annonça, " un jour, il sera répandu sur toute chair ". (3, 1).
Voilà donc dans ce dialogue un tri. La totalité de l'histoire est représentée, la multiplicité est présente : la création, le peuple de Dieu et toute chair. La promesse déborde le champ normal de l'espérance, propre à une jeune fille d'Israël, pour concerner la totalité du réel.
Puis arrive la mention de l'ombre, Dieu te prendra sous ombre. Cette ombre, la nuée, accompagnait Israël tout au long de son chemin, tout au long de l'exode. Ombre le jour, lumière la nuit !

Quand Moïse monte la tente de la prière dans le désert, quand Salomon inaugure le Temple, cette ombre, cette nuée descend sur l'emplacement, au point que ni Moïse, ni Salomon, ni les prêtres ne peuvent pénétrer dans l'endroit où Dieu habite.

Il y a la multiplicité et maintenant voici la plénitude, une plénitude à laquelle personne ne peut répondre, parce que nul n'y pénètre. Elle cache le secret de Dieu.

Enfin, il sera appelé Fils de Dieu. Du calme ! Beaucoup de gens étaient fils de Dieu. Quand nous relisons ce passage, après vingt siècles de christianisme, nous croyons que Jésus est le Fils de Dieu au sens propre. Mais le peuple était fils de Dieu. Cyrus, l'Empereur, a été appelé " Mon Fils " par Dieu lui-même selon le prophète Isaïe. L'expression, relativement banale désignait à tous ceux que Dieu protégeait. Jésus s'en servira quand on lui reprochera de se faire égal de Dieu. Il demandera : que lisez-vous dans l'Ecriture ? J'ai dit à mon Fils : " Tu es Seigneur ". Comment se fait-il que si David l'appelle Seigneur, " Comment est-il son fils " (Mt 22, 45 ; Jn 5, 18).

Nous retombons dans la multiplicité par cette seconde relecture. La première étant royale : la vie, le trône, Jacob…, la seconde étant plus religieuse : les grandes étapes, la consécration du Temple et le titre de fils de Dieu.

Mais à ce moment-là et à ce moment-là seulement, l'ange laisse entendre un mot, un mot unique. L'enfant sera " saint ".

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Tout l'Ancien Testament est appuyé sur le fait qu'un seul est saint : Dieu, l'Unique. L'Unique est saint. Alors que veux dire ce mot " il sera saint ? ", au singulier comme un nom propre. Vous avez tous appris ce mot, parce qu'il est la clé de Dieu. Vous avez aussi entendu parler du sacré. Le sacré représente et résume ce qu'une société, qu'un groupe, tient pour inattaquable, le fondement même sur lequel un peuple est d'accord. Il y a du sacré religieux et du sacré non-religieux. L'hymne national parle de " l'amour sacré de la Patrie " ; on entend dire : les vacances sont sacrées, l'amitié, le travail, le week-end sont sacrés. Aujourd'hui encore, pour beaucoup, les jeux sur internet sont sacrés, on n'y touche pas ! Le sacré " on n'y touche pas ". Tout le reste est profane, c'est ce que l'on peut toucher, l'endroit où marcher, là où on veut aller, là où on fait ce qu'on veut, comme, dit-on, de son corps. Donc le sacré divise : il y a le sacré et le profane. Ce qui relève du sacré est intouchable et le profane resterait entre nos mains. Cette division archaïque n'est pas du tout chrétienne. Elle appartient à la majorité des cultures du monde.

Or la bible ne cesse pas de prendre ses distances par rapport au sacré. Il semble même que ce mot soit très peu utilisé. Un autre mot monte en puissance : celui de la sainteté.

Comment l'expliquer la Sainteté ? C'est pourtant extrêmement simple à expliquer. Vous avez tous dans le coeur un désir, le désir de rencontrer l'âme soeur ; de rencontrer le mari idéal, Mesdemoiselles et la femme fantastique, Messieurs. Quoi qu'il en soit, vous avez un désir. Analysez ce désir ? Il est ce que vous avez de plus unique parce qu'il n'y pas deux désirs semblables. Il est ce que vous avez de plus personnel et en ce sens là il n'y a pas deux désirs qui soient comparables l'un à l'autre. En même temps, ce désir-là est le désir de l'autre, ce n'est pas un désir tourné sur soi, mais le désir de la rencontre, le désir du don, du partage, il est désir de l'autre. La Sainteté, c'est exactement cela, elle est l'unique élan dans le désir de se donner à l'autre. C'est parce que Dieu est l'unique Saint qu'il a créé et, toi, parce que tu es unique, tu as du mérite, comme chaque homme. C'est parce que Dieu est unique qu'il brûle de ce désir d'entrer en alliance. Autrement dit la sainteté désigne la distinction pour créer de la relation ; le sacré sépare, la sainteté conjoint, le sacré oppose, (on va se tuer par rapport au sacré), la sainteté relie.
Si un jour vous vous mariez. (Pensez mariage !) Vous serez d'autant plus unique aux yeux de la personne aimée que vous serez uni à elle. Uns et distincts.
C'est exactement ce que Dieu nous propose dans son alliance. Par conséquent, dire qu'il sera saint, c'est placer devant Marie l'engagement de l'Unique vis-à-vis d'elle, mais pour une relation qui concerne notre vie.

Dieu l'unique s'engage envers Marie, la femme unique. Elle va exister en alliance, elle est unique, elle est pleine de grâce, non pas pour un duo solitaire mais pour le bien de tous.

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Voilà l'accomplissement des promesses faites au vieux Jacob, de celles données à la postérité du roi David, selon la justice et la force. Le but en est ce peuple sanctifié né de la voix du Fils. Dieu montre sa fidélité, selon qui il est.

Là, Marie arrive au fait. Elle accepte d'être humainement unique pour que l'Unique rejoigne tous les hommes. C'est une bonne nouvelle parce qu'ainsi chacun de nous est reconnu comme unique aux yeux de Dieu. Vous avez le prix extraordinaire d'être uniques, le fait que Dieu vous reconnaisse comme uniques vous met dans son alliance, dans sa communion. Et la dernière phrase arrive : " L'ange la quitta ".

Marie se retrouve seule, avec un enfant pour alliance, avec une mission à laquelle elle se livre. Elle est seule, elle n'a plus personne sinon un enfant à donner.
L'unique devient source : telle est notre vocation à chacun.