Galilée
Fête des 20 ans de Galilée
17 octobre 2015


Photos de la fête des 20 ans

Homélie de Mgr Pascal Wintzer
(église de Chasseneuil-du-Poitou)

   Marc 10, 35-45

A l'écoute de l'Evangile, on a vite fait de condamner Jacques et Jean, les fils de Zébédée. Leur seule préoccupation, c'est de s'assurer une bonne place.
D'ailleurs, l'Evangile nous dit que les dix autres apôtres s'indignent de cette demande. Pour quelle raison ? N'est-ce pas parce qu'eux-mêmes espèrent secrètement occuper cette même place.

Pourtant, il faut aller au-delà de cette condamnation.
Pourquoi donc les apôtres de Jésus veulent-ils occuper ces places ?

Sans doute y a-t-il de l'ambition, la recherche des honneurs, et c'est ce que Jésus dénonce : parmi ses disciples, il ne doit pas en être ainsi : "le plus grand - dit-il - sera votre serviteur".

Plus profondément, c'est plutôt l'inquiétude qui pousse Jacques et Jean à poser cette question à Jésus.
Jésus n'était pas quelqu'un de rassurant.
Quand il a appelé ses apôtres, il leur a seulement dit : "Suivez-moi", mais il ne précise pas ce que sera leur avenir, ni ce qu'ils auront à vivre.
Déjà plusieurs fois, il leur a annoncé son arrestation, et vous savez que lui et ses disciples, s'ils ont parfois été accueillis, ont souvent été chassés de villes et de villages.
Ils ont donc bien le droit d'avoir peur, ou tout au moins de s'inquiéter.
Qui d'entre nous ne connaît pas d'inquiétude dans sa vie ?
On imagine parfois que les chrétiens bénéficieraient d'une protection magique.
Or, nous connaissons et nous connaîtrons les mêmes épreuves, mais aussi les mêmes joies que tout le monde.
La foi chrétienne ne nous fait pas échapper à la vie.

D'une certaine manière, la tentation que connaissent Jacques et Jean, c'est celle d'échapper à l'histoire, à la vie ordinaire, aux aléas de l'existence.
Tout de suite, ils voudraient être assurés d'avoir les meilleures places au paradis.
Mais, sans tout de suite penser au paradis, la question est celle de l'inscription de notre vie dans le temps, dans la durée.
Notre époque est celle du temps court, de l'immédiateté ; on aime mesurer l'effet que produit une parole, une action.

Or, le Christ et la Bible inscrivent dans l'histoire, dans le temps long.
Déjà c'est ce que l'on lit chez Isaïe, il emploie le futur pour parler.

Je pense que vos études, vos métiers aussi, vous inscrivent dans le temps long.
Vous savez que dans le domaine des sciences, les pas franchis se font peu à peu ; la découverte exceptionnelle elle arrive rarement tout d'un coup, mais elle est le fruit d'un travail patient et aussi modeste.

Mais il faut toujours se le redire ; et même la parole de Dieu, si elle produit son action, le fait dans la durée.
Quoi de plus exigeant que d'ouvrir et de convertir les cœurs ? Et c'est cela l'action de Dieu ; elle n'est pas une violence qui s'impose à nous, elle est un appel.

Pourtant, nous avons toujours à mener ce combat, celui contre la tentation d'oublier l'histoire, de forcer le temps, finalement de forcer la liberté et la responsabilité de chacun.

Mais, regardez les grands défis d'aujourd'hui.
La question climatique, celle de l'écologie ; la COP 21 ne vas pas apporter de réponses immédiates et immédiatement palpables.
Le synode sur la famille, qui se tient à Rome en ce moment, est aussi un long processus, et surtout, parce que chacun reconnaît qu'il n'a ni le savoir ni la solution ; il faut donc chercher, marcher ensemble.

En ouvrant le synode, il y a presque deux semaines, le pape François tenait ces propos : "Le synode demande l'humilité évangélique et la prière confiante.
L'humilité évangélique qui sait se vider de ses propres conventions et préjugés pour écouter ses frères évêques et se remplir de Dieu. L'humilité qui conduit à ne pas montrer du doigt les autres pour les juger, mais à leur tendre la main pour les relever sans jamais se sentir supérieurs à eux.
La prière confiante est l'action du cœur quand il s'ouvre à Dieu, quand on fait taire toutes nos humeurs pour écouter la voix douce de Dieu qui parle dans le silence.
Sans écouter Dieu, toutes nos paroles ne seront que des "mots" qui ne rassasient pas et ne servent pas. Sans nous laisser guider par l'Esprit, toutes nos décisions ne seront que des "décorations" qui, au lieu d'exalter l'Evangile, le dissimulent et le cachent."

Etudiants, enseignants, professionnels, vous savez, vous saurez que ces attitudes vous concernent, elles manifestent que l'on ne vit pas seul, mais avec d'autres.
Ils freinent nos mauvaises ambitions, mais surtout ils grandissent le meilleur qu'il y a en nous.
Le chemin de cela, c'est la parole vraie et assurée.
La parole qui s'adresse à quelqu'un, et non pas qui parle pour elle-même, pour simplement montrer que l'on existe.

C'est l'exemple de Jacques et de Jean. Ils prennent le risque de parler à Jésus, ils s'ouvrent donc à une réponse qui les déplace dans leurs attentes.
Cela marque nos relations entre nous.
Mais aussi, dans la prière, n'ayez pas peur de parler en vérité au Seigneur.
Saint Thérèse d'Avila, que nous avons fêté cette semaine écrivait qu'il s'agit aussi de "lui parler le plus simplement possible, sans se casser la tête à faire de belles phrases ; ce que nous disons doit jaillir du cœur. Il aime surtout que nous lui parlions franchement" (Chemin de la contemplation, 498).